2017 se jouera dans les urnes, mais aussi sur le web. Pour comprendre comment fonctionne une stratégie numérique et mesurer son impact sur une campagne, Numerama vous embarque dans les coulisses des partis politiques français. C’est avec Eve Zuckerman, qui prépare la primaire d’Alain Juppé, que nous commençons cette série.
Eve Zuckerman, directrice de campagne numérique du candidat Alain Juppé, nous donne rendez-vous au quartier général de campagne. Inauguré en janvier dernier, le QG du candidat à la primaire se trouve dans un bel immeuble parisien, à deux pas du Bon Marché. Luxueux mais sans extravagance par rapport au quartier dans lequel il est localisé.
Surpris devant la neutralité du bâtiment, ni affiche, ni fanion indiquant la quelconque présence d’un candidat à la primaire des Républicains, on s’assure de ne pas s’être trompé d’adresse. C’est en faisant défiler les noms sur l’interphone de l’immeuble que l’on a la confirmation : Alain Juppé, 3e étage.
Eve Zuckerman est déjà là pour nous accueillir. La jeune femme n’a même pas 25 ans mais l’assurance et l’expérience à en faire pâlir plus d’un. Alors qui est-elle ? Quel est son rôle au sein de la campagne d’Alain Juppé ? « Je m’occupe de la stratégie numérique d’Alain Juppé dans le cadre de cette campagne, pour les primaires », nous dit-elle. « Chez nous, le pôle digital d’une campagne dépend également du pôle mobilisation. La stratégie numérique est complètement intégrée aux objectifs de mobilisation d’une campagne. »
Campagne numérico-militante
Refusant d’appliquer la méthode classique séparant campagne de terrain et campagne numérique, elle insuffle à la droite une nouvelle façon d’aborder les problématiques de campagne et souhaite bouleverser la façon de faire campagne.
« La question c’est “pourquoi fait-on campagne ?” : parce qu’on veut faire voter les gens par rapport à certaines thématiques et l’objectif c’est de savoir comment on va mobiliser les gens en ligne, les inciter à participer et à se mobiliser sur le terrain. Il n’y a pas d’une côté : un webmaster et un community manager qui publient des trucs drôles sur les réseaux et d’un autre côté des militants. Ça c’est une vision classique et ce n’est pas la nôtre. »
C’est avant tout le bon vieux mail qui est encore essentiel au bon fonctionnement d’une campagne électorale
Mais quelle est leur vision à eux, alors ? Elle part d’un constat : « Quand les Français s’engagent et font leurs premiers pas, c’est souvent en ligne. Quand je parle d’engagement, ça commence par un like sur Facebook, c’est une action conceptualisée autour d’un clic. » Le rôle d’une stratégie digitale va être alors de faire progresser ce clic, de le faire évoluer petit à petit, étape par étape, du likeur à l’électeur. Tout se joue sur ce passage du virtuel à l’urne et toutes les étapes qui amènent de l’un à l’autre sont essentielles pour une stratège numérique.
Et quand les femmes et hommes politiques de tous bords et les médias brandissent les réseaux sociaux comme la clef de la victoire, Eve Zuckerman rappelle que c’est avant tout le bon vieux mail qui est encore essentiel au bon fonctionnement d’une campagne électorale : « C’est le nerf de la guerre dans les campagnes. On parle toujours des réseaux sociaux mais ils sont une porte d’entrée : c’est le moyen de faire vivre et d’animer une communauté militante en ligne. Le mail nous permet d’avoir une communication ciblée et de mobiliser les électeurs d’une manière différente selon les profils qu’on aura établi. »
Une expérience américaine
Zuckerman en sait quelque chose : la Franco-américaine a travaillé avec les équipes de campagne de Barack Obama mais aussi à la ré-élection du maire de Chicago, Rahm Emanuel. Pourquoi est-elle alors revenue en France pour le candidats le plus âgé des Républicains français ? C’est après avoir été consultante chez les Républicains autour de l’outil Nation Builder (nous y reviendrons) qu’elle a rejoint l’équipe du candidat. Son ambition était très claire : « Faire sortir la droite d’une logique sur Internet dont la gauche s’est émancipée depuis longtemps. »